Préférons-nous la notoriété au pouvoir?

Robert Blondin

Robert Blondin

Quand Mathieu Bock-Côté parle d’identité, il prend le critère des tabous. Quelle belle idée. Quoi de plus révélateur, en effet, pour comprendre ce qui différencie de fait une culture d’une autre?
Il observe surtout les cultures américaine et française. Il rappelle le tabou du sexe en politique aux États-Unis et celui de l’argent en France. Et celui du pouvoir au Québec. Il a raison.
Au Québec, toute pratique de quelque autorité que ce soit nous rend mal à l’aise sinon franchement rébarbatifs. Nous nous méfions d’emblée des patrons, des chefs, des uniformes, des directeurs, et surtout des politiciens. Il nous semble que l’honnêteté, la pureté (une valeur qui nous a été longtemps chère) diminuent en s’approchant puis en exerçant le pouvoir.
Il nous importe de ramener les détenteurs du pouvoir à notre niveau. Si tu sors du rang, t’en fais pas, on se fera un plaisir de te rappeler d’où tu viens. Le plus visionnaire de nos politiciens, René Lévesque, au sommet de son exercice du pouvoir, s’appelait « Ti-Poil » pour pour tous les sans-grade!
D’ailleurs, la manie que les générations précédentes ont eu de tout rapetisser par peur d’une grandeur qui nous ferait remarquer en dit long sur notre syndrome de vaincus. N’avons-nous pas entendu à satiété des locutions diminutives comme : « Mon ‘tit papa, mon ‘tit mari, une ‘tite auto, un ‘tit héritage, prendre un ‘tit coup, une ‘tite vacance…? » On diminue même l’adjectif « petit » ! Pourquoi pensez-vous que l’on se souvient tant de la déclaration de Ti-Poil : « On est peut-être un GRAND PEUPLE ». Quoiqu’il ajoute « peut-être », pour ne pas faire trop grand…
Le pouvoir, on le respecte quand il vient de haut ou de loin. Du Haut-Canada à Ottawa. Un ministre fédéral semble toujours plus imposant qu’un ministre provincial. Ça fait plus sérieux, le pouvoir en anglais. En français, ça fait un peu paroissial.
Non. Le pouvoir, quand il est exercé par un des nôtres, on s’en méfie. Comme s’il y avait quelque chose d’étranger dans le pouvoir.
Nous, notre dada, ce n’est pas d’être respectés voire, craints. Nous, notre désir collectif profond, c’est d’être aimés, cibole! « Pis? Comment vous aimez ça, le Québec? C’est votre première visite chez nous? » (Les gens ne viennent pas en voyage chez nous, ils viennent en visite). On veut tellement être aimés, qu’on est prêt à l’être par vedettes interposées. Notre Céline, notre Cirque du Soleil, notre Michel Tremblay…
Allez visionner « notre » Mathieu Bock-Côté. Il ouvre quelques portes et plusieurs fenêtres…